Dans l’opinion du « Monde », c’est une production à voir absolument. À Medellin, la deuxième plus grande ville de Colombie, un corbillard traverse les rues silencieuses de la nuit. Theo Montoya, le jeune cinéaste d’Anhell69, s’est installé dans le cercueil à l’arrière, les yeux fermés sous la lumière douce. Avec sa narration en toile de fond, il nous plonge dans l’imaginaire de ce travail original, à mi-chemin entre documentaire et surréalisme, peuplé de spectres aux yeux rougeoyants qui paraissent être des sortilèges d’Oncle Boonmee qui se souvient de ses vies passées (2010), d’Apichatpong Weerasethakul, lauréat de la Palme d’or à Cannes.
C’est le cinéaste colombien Victor Gaviria qui se trouve au volant. Ses œuvres sur les excès juvéniles, notamment Rodrigo D, Futur: néant (1990) et La Petite Marchande de roses (1998), ont acquis un statut culte, tout comme Dans la chambre de Vanda (2000) du Portugais Pedro Costa.
En guise de présentation, le jeune réalisateur, né en 1995, soit « deux ans après la mort de Pablo Escobar », évoque brièvement son parcours de vie : un père absent, une adolescence vagabonde marquée par la consommation de marijuana, et la découverte du cinéma dans l’obscurité de la salle, le seul endroit où, dit-il, il lui était permis de verser des larmes. Il évoque une sensation d’oppression qu’il ressent.
Dans le film de Theo Montoya, « Anhell69 », on trouve une plongée dans la vie de Medellin. L’endroit est entouré de montagnes, et il n’est pas facile de voir l’horizon. C’est un lieu où il est fréquent de se sentir étouffé, une sensation qui se dissipe souvent grâce aux fêtes, à l’usage de drogues et à la vie rapide et instantanée. Le film n’est pas particulièrement joyeuse, et pour une bonne raison. Le film « Anhell69 » est né de la tragédie de la mort de plusieurs amis de Montoya qui sont décédés entre 2017 et 2021, avec la plupart n’atteignant même pas la trentaine.
En 2017, Montoya organise un casting où l’on rencontre plusieurs de ces jeunes. Ces jeunes queer se décrivent, évoquant différents rêves mais pour un avenir proche, car ils ont du mal à imaginer leur vie dans cinq ou dix ans. L’un d’eux raconte que la mort est pour eux une connaissance, une présence perpétuelle.
Un cas particulier est Camilo Najar, qui est décédé une semaine après avoir participé à ce casting. Après avoir réalisé un court métrage à sa mémoire, « Son of Sodom » (2020), qui a été en compétition à Cannes, Theo Montoya lui rend de nouveau hommage dans « Anhell69 ». Le titre du film est en fait le pseudonyme que Najar utilisait sur Instagram. Le film dépeint une histoire de spectrophilie, où les morts sont susceptibles d’attirer sexuellement les vivants. En utilisant des images d’amis qui ne sont plus, en reprenant des éclats de leur visage, Montoya immortalise ces individus dans son film.
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