« DÉCOUVERTE D’UNE PÉPITE DU CINÉMA À LA QUINZAINE DES CINÉASTES
Dans la célébration sophistiquée du Festival de Cannes, où l’autoritarisme est adoré, quel que soit le respect que l’on peut y ressentir, tout semble être anticipé par le regard aguerrit du festivalier. Cependant, il y a toujours ce moment inattendu et instable où un étrange sujet semble soudainement tomber du ciel. C’est précisément ce qui s’est produit le dimanche 19 mai, à la Quinzaine des cinéastes, où le public a chaleureusement accueilli la découverte du film Sister Midnight, réalisé par le réalisateur indien Karan Kandhari.
L’intrigue du film se déroule à Bombay, dans un quartier très peuplé et modeste, où un couple de jeunes mariés, promis l’un à l’autre depuis l’enfance malgré une longue séparation, établit leur nouveau foyer. Ils sont Uma et Gopal. Vivant dans une humble condition, ils s’installent dans une masure, une espèce de maison en papier mâché construite au niveau du sol. Pour des raisons qui resteront inexpliquées, tout comme la majorité des événements du film, leur relation amoureuse n’est pas idéale. »
Dans une tournure plus sombre, ils évitent le contact physique. Ils ne se croisent qu’à de rares occasions. Il part au travail de bonne heure et rentre épuisé, souvent en état d’ébriété. Elle n’est pas douée en cuisine et se languit dans leur modeste demeure, entourée de voisines pas vraiment amicales. Elle finit par obtenir un travail d’aide-ménagère qui se trouve à quatre heures de marche. La pression commence à monter. Gopal répond à cela par de la fatigue, Uma par de l’hystérie. Il semble que leur abstinence sexuelle les rend fous. Gopal devient plus spirituel que jamais. Uma commence à boire le sang des oiseaux et des petits animaux qu’elle momifie ensuite pour les mettre sous leur lit en espérant qu’ils ressuscitent sous forme d’animatroniques débridées.
Esthétique du contraste.
En bref, tout part en vrille, et on a le sentiment que le destin de Gopal est sur la corde raide. L’homme face à la sorcière, Sister Midnight est une farce sombre sur la guerre des sexes, à mi-chemin entre le burlesque historique, le fantastique et la fable sociale. Des scènes frontales. Des dialogues minimalistes. Un pop déferlement de couleurs vives. Une esthétique de contraste (dépression/réaction). Enfin, une bande-son bouleversante composée de morceaux de blues, de heavy metal, de rock alternatif et de pop cambodgienne. Pas la moindre trace de musique indienne, Karan Kandhari est rapidement reconnu comme un artiste de l’hétérogénéité, du mélange de genres, du style bigarré.
Il est sans doute un reflet de lui-même, étant d’origine indienne, né au Koweït et vivant désormais au Royaume-Uni. C’est à l’âge de 43 ans qu’il réalise son premier long-métrage, accompagné d’un chef opérateur de Norvège et d’un monteur de Grèce. Bien qu’obscur, ce film éparpillé diffuse un bonheur contagieux. Radhika Apte, qui joue Uma dans le film, représente parfaitement la femme telle qu’elle est créée et redoutée par les hommes, une grande alienée transformée en poursuivante effrénée.
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