« Choix officiel – Hors du concours
La scène cinématographique de Hong Kong a aujourd’hui un statut régional, remodelé au fil des décennies pour s’intégrer au paysage plus vaste de la production chinoise. Sa survie est marquée par une tension continue, se tournant d’un côté vers son passé illustre, et cherchant de l’autre à suivre les normes de production toujours plus massives, une conséquence nécessaire de l’expansion du marché.
Soi Cheang fait partie de la génération qui a émergé « après » la restitution de l’ancienne colonie britannique à la Chine en 1997, ainsi que l’excitation de la nouvelle vague. Il réalise son premier long métrage en 2000, se fait remarquer sur la scène internationale avec le film remarquable Accident en 2009, encore fortement marqué par l’expertise d’action locale, et passe rapidement à la saga numérique massivement populaire Le Roi Singe (2014-2018), compatible avec les normes de Pékin.
City of Darkness, son dernier long métrage présenté à Cannes hors compétition, offre une nouvelle perspective sur Hong Kong dans les années 1980, lui rendant un hommage indirect. Cet hommage est subtil en raison de la censure chinoise omniprésente sur tout sentiment de nostalgie qui pourrait s’exprimer envers l’ancien régime d’économie libérale. Pour cette raison, le prologue qui nous place dans la forteresse de Kowloon, au cœur du territoire des triades, dépeint la péninsule comme un tableau infernal, celui d’un empire du crime, des drogues et de la prostitution.
Des arrangements d’espaces ingénieux »
Le récit nous entraîne dans l’histoire de Chan Lok-kwun (Raymond Lam), un Vietnamien qui arrive à Hongkong en tant que réfugié boat people, au milieu d’une guerre de gangs, et qui est prêt à faire tout ce qu’il faut pour obtenir des papiers légaux. Il navigue à travers le labyrinthe de Kowloon, le territoire du puissant Cyclone (Louis Koo) qui le prend sous son aile et l’intègre dans son clan. Mr Big (l’expérimenté Sammo Hung, une grande figure du cinéma d’arts martiaux), rival de Cyclone, convoite le même immeuble sur le point d’être détruit, et cela ne tarde pas à leur causer des problèmes.
Le film City of Darkness tire d’abord sa force de son impressionnant décor recréé numériquement : une cité fortifiée à l’architecture chaotique, un gigantesque échafaudage où la lumière du jour a du mal à se frayer un chemin. La découverte de cet endroit coïncide avec la lutte pour la survie du protagoniste immigré, qui se faufile de cases en magasins et se balance de tôle en tôle dans un fouillis de câbles électriques. Ensuite, le film se plonge dans la guerre des gangs, avec une série de confrontations nerveuses qui tendent vers l’exagération super-héroïque (le méchant suprême nommé « King », doté d’une invincibilité magique).
Soi Cheang n’a rien perdu de sa compétence pour mettre en scène l’action, et les meilleurs combats exploitent des configurations d’espace intelligemment conçues. Ce n’est qu’en fin de générique que le réalisateur porte un regard affectueux sur les petits artisans, les boutiques et les coutumes spécifiques qui faisaient de Kowloon autre chose qu’un lieu de perdition et de violence. Tous ces éléments ont également disparu lors de sa démolition en 1993.
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