Depuis El-Barsha, une petite communauté située au sud de l’Égypte, à environ 200 kilomètres de la métropole du Caire, une poignée de jeunes femmes coptes (chrétiennes égyptiennes) ont choisi d’exprimer leur lutte contre leur réalité quotidienne. En 2017, ces femmes ont été découvertes par les cinéastes égyptiens Nada Riyadh et Ayman El Amir, utilisant le théâtre de rue comme un moyen de revendiquer leurs droits face aux problèmes tels que le mariage précoce, le harcèlement et la domination de leurs corps. Elles se sont confrontées à un spectacle d’incompréhension voire d’hostilité de la part de leur public, clamant leurs revendications haut et fort, parfois en robe et à bras nus. Elles ont répondu par la musique, jouant avec des percussions et autres instruments traditionnels, tandis que certains rapaces ont lancé des insultes et des pierres.
Néanmoins, elles ont persisté. Riyadh et Amir, qui ont filmé pendant plus de quatre ans, parlent d’un « petit miracle » lorsqu’ils racontent leur expérience. Ce sujet étonnant a donné naissance à un documentaire, Les Filles du Nil, présenté à la Semaine de la critique à Cannes. Le film, qui sortira bientôt en salle par le distributeur Dulac, pourrait être comparé à une minisérie passionnante parsemée de rebondissements : une fille qui quitte, un conflit avec un fiance, la vie familiale révélée, des répétitions qui s’enlisent… La franchise inattendue des personnages, qu’ils soutiennent ou s’opposent aux femmes actives, est frappante.
Un autre événement marquant est que ces femmes ont réussi à entreprendre le voyage pour assister à la première mondiale du film. Le vendredi 17 mai, Majda Masoud, Haidi Sameh, Myriam Nassar, Monika Youssef (la vocaliste du groupe, mère de deux enfants), et d’autres marchaient sous le soleil cannois, vêtues de jeans et de t-shirts, portant leurs instruments. Certaines passantes se sont jointes à la scène en lisant les slogans affichés sur des pancartes en français et en anglais, tels que « Je ne peux pas porter de robe », « Mes vêtements ne sont pas le problème », etc.
Des histoires marquantes
Cannes offre aussi cela, des connexions fugaces entre des mondes qui ont peu, voire aucune chance de se croiser. Nous avons eu l’occasion de partager un moment avec ces jeunes artistes qui ne gagnent pas encore leur vie grâce à leur art – certaines d’entre elles ont un emploi alimentaire – autour d’un dessert qu’elles finissaient. Nous reconnaissons les visages que nous avons gravés dans nos mémoires, car les récits de ces Filles du Nil sont inoubliables. Elles s’expriment en arabe et les réalisateurs traduisent en anglais.
Nous avons Haidi Sameh, avec des paillettes sur ses paupières, qui a toujours rêvé de devenir danseuse et de rejoindre un ballet. Le film révèle qu’elle a un fiancé. Nous sommes heureux pour elle, mais nous sommes également inquiets car son amoureux lui explique tranquillement qu’une fois mariée, elle devra rester à la maison et abandonner le théâtre. Il lui demande son téléphone portable pour supprimer les contacts de ses amies. Elle tente de contester, il se frustre et l’ambiance devient tendue. « J’ai rompu avec ce garçon et j’en ai rencontré un autre », nous confie Haidi, avec un grand sourire. Elle est résiliente, et elle a un soutien sans faille avec ses parents exceptionnels.
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