Est-il possible d’établir une relation avec un adversaire ? Se mettre en lumière avec lui dans un film documentaire, tout en dissipant toute confusion sur le point de vue du réalisateur ? C’est la direction prise par Mehran Tamadon, Franco-Iranien, né à Téhéran en 1972, depuis son premier long-métrage, Bassidji (2010). Le film tire son nom des jeunes miliciens qui ont combattu aux côtés des forces iraniennes lors de l’invasion du pays par l’Irak – un conflit qui a duré de 1980 à 1988. Plus tard, les Bassidjis ont sévèrement réprimé le « mouvement vert » né des élections contestées de Mahmoud Ahmadinejad, en juin 2009.
Tamadon s’est aventuré dans une autre entreprise risquée avec Iranien (2014) : pendant deux jours, il a invité quatre mollahs dans la maison de sa mère, à Téhéran, pour tenter une expérience de « cohabitation ». Avec le Grand Prix du Cinéma du réel à Paris, le film a néanmoins divisé la critique et le public, engendrant 170 discussions après la projection. Le réalisateur assume devant son public les contraintes du processus, tout en le défendant.
Dans un café de la banlieue parisienne, où il réside maintenant, Tamadon exprime sa philosophie ainsi : « Je ne trouve pas intéressant de filmer des gens qui nous ressemblent, et de diffuser le film à d’autres qui nous ressemblent. En fin de compte, qu’est-ce qu’on vient changer dans le réel ? », se demande le réalisateur aux lunettes carrées et au visage rond. Il ajoute : « On imagine l’autre, jusqu’à ce qu’on le voit. Cet autre, qui pourrait être l’ennemi, est toujours plus complexe que ce qu’on soupçonne. » En dissolvant cette illusion, par la rencontre, Tamadon espère établir un lien.
« Sortir de son propre cercle ».
Les deux nouveaux films documentaires de Tamadon, réalisés en France, introduisent une approche déconcertante : invitant des Iraniens torturés à assumer le rôle de l’interrogateur-agresseur (Mon pire ennemi, sorti le 8 mai), et revisitant avec d’autres leurs souvenirs de détention (Là où Dieu n’est pas, le 15 mai). Ces deux œuvres ont été produites par L’Atelier documentaire et Box Productions. Cependant, dans le film Mon pire ennemi, la situation dérape quand l’actrice et réalisatrice Zar Amir Ebrahimi se rebelle. Néanmoins, Tamadon n’a pas peur de perdre le contrôle dans ses films. Il avoue : « Parfois, dans Iranien, les mollahs m’acculent, je suis impuissant devant leur argumentation. C’est un échec difficile à assumer en tant qu’individu, mais en tant que réalisateur, je le trouve très stimulant. En fait, j’aurais pu éditer ces passages, mais je ne l’ai pas fait. »
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