Léo Scheer, l’infatigable dynamiseur intellectuel, donnait l’impression d’avoir vécu toute une vie à un rythme impressionnant. En tant que sociologue, publicitaire, avant de devenir le créateur peu connu de Canal+, et ensuite directeur de la station musicale TV6, il a fait un saut pivotant au début du 21ème siècle pour lancer une maison d’édition sous son propre nom. Scheer a également publié une dizaine de livres de référence, y compris La démocratie virtuelle (Flammarion, 1994), Pour en finir avec la société de l’information (édition Sens et Tonka, 1999), et le Manifeste du parti anarchiste (éditions Léo Scheer, 2023). Il est décédé à Paris le samedi 4 mai à l’âge de 76 ans, comme l’a annoncé sa femme, l’écrivaine Nathalie Rheims, dans une annonce publiée dans la presse le mardi 7 mai.
Grand de stature, avec une voix douce et calmée, et un enthousiasme inébranlable pour des concepts novateurs, Scheer irradiait d’intelligence acérée qui lui permettait d’être toujours un pas en avant. Il avait l’habitude de dire, avec un sourire plein d’humour, » à 8 ans, je faisais déjà de la politique, et à 13, j’avais déjà abandonné le trotskisme ». Ces déclarations étaient toujours reçues avec amusement, mais ne devaient pas être prises pour des exagérations, car elles étaient bien réelles.
Léo Scheer est né le 29 mai 1947 en Allemagne, dans un camp de réfugiés à Pöcking (Haute-Bavière). Ses parents, Aaron et Myriam, juifs polonais qui ont survécu au ghetto de Cracovie et à un exil en Sibérie, étaient respectivement tailleur et corsetière. La famille s’installe à Paris peu de temps après. La jeunesse de Léo est rapidement imprégnée de politique. À l’âge de 8 ans, il est envoyé dans des colonies de vacances inhabituelles organisées par un mouvement de jeunesse trotskiste juive dans un château de la Nièvre.
À 13 ans, Léo rejoint la Fédération anarchiste, abandonnant ainsi le militantisme. Tout au long de cette période, il développe son désir de résister à tout système d’autorité. A l’âge de 18 ans, il met un terme à son engagement politique. En tant qu’excellent élève, il aide ses parents dans leur atelier familial parisien, gérant toutes les formalités administratives car ils parlent encore mal le français.
C’est après le baccalauréat qu’il obtient rapidement une licence en droit et en sciences économiques. De plus, il est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, finissant un doctorat en sociologie en 1972. Léo est marqué par les événements de mai 68, sa relation avec le politicien Daniel Cohn-Bendit et sa découverte du mouvement artistique et politique situationniste dirigé par Guy Debord et Raoul Vaneigem. Parisien apatride, il n’obtient sa nationalité française qu’à sa majorité, le 29 mai 1968.
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