Dans un podcast récent de « France Culture », Robert Bober à l’âge de 92 ans, a répondu à une question sur son évolution personnelle contre l’arrière-plan d’un monde qui change. Né en 1931 à Berlin, il a déménagé à Paris, plus précisément Belleville puis la Butte-aux-Cailles, lorsque ses parents ont fui l’Allemagne suivant l’ascension d’Hitler à la chancellerie. Sa famille a ouvert un magasin de cordonnier.
Robert Bober a couvert l’histoire de sa famille dans ses œuvres cinématographiques, mettant en lumière son héritage de réfugié Allemand et apatride d’origine polonaise. Parmi les anecdotes familiales marquantes, il y a celle de son arrière-grand-père maternel qui a été renvoyé de Ellis Island, New York, vers la Pologne en raison d’une maladie contagieuse, le trachome, qu’il avait contractée.
Conversationnel et émouvant, Bober partage l’histoire de cet ancêtre, un chaudronnier qui fabriquait des chandeliers. Il a écrit un texte dans lequel il envisage de le rencontrer, une œuvre qu’il considère comme son meilleur travail. Il exprime le désir que, si quelque chose devait être préservé de son œuvre, ce serait cet écrit.
Caroline Broué a demandé à Robert Bober de parler de son étroite évasion lors de la rafle du Vél’ d’Hiv, une expérience que son camarade d’enfance, Henri Beck, n’a malheureusement pas partagé. Les émotions ressenties sont traduites à travers des mots, des larmes et le silence que la journalise n’a pas oublié d’indiquer.
Au sujet de la littérature, de la télévision et du cinéma, Robert Bober partage une anecdote lors du deuxième épisode où il a raconté à son ami Georges Perec (1936-1982) qu’il avait une idée de nouvelle. Perec lui a répondu: « Ne me le dis pas, écris-le ». Deux ans après, il retrouve cette idée en fouillant à travers ses papiers et la présente à Paul Otchakovsky-Laurens qui, après la lecture, exige une suite. Parce que l’éditeur, qui est décédé dans un accident de voiture le 2 janvier 2018, avait prédit que ce début allait s’avérer être le commencement de Quoi de neuf sur la guerre ? (P.O.L, 1993), qui a par la suite remporté le prix du livre Inter 1994.
Parlant des rencontres qui ont marqué sa vie, comme celle avec François Truffaut (1932-1984) avec qui il a collaboré, Robert Bober a indiqué : « Je ne crois pas au hasard ». Il a conclu en citant l’écrivain israélien Aharon Appelfeld, décédé du 3 au 4 janvier 2018. Il a déclaré : « Quand on rencontre quelqu’un, cela signifie que l’on devait croiser son chemin et qu’il nous apportera quelque chose qu’on nous manquait ».
Au prochain épisode, le cinéma sera à l’honneur, en particulier Max Ophüls (1902-1957), le réalisateur favori de l’émission, ainsi que le premier film télévisé sur l’auteur yiddish Sholem Aleikhem (1859-1916). Robert Bober parle ensuite de la «collaboration amicale» qu’il a entretenue pendant de nombreuses années avec Pierre Dumayet (1923-2011), qui, grâce à son programme «Lectures pour tous» (1953-1968), a aidé à introduire la littérature à la télévision.
Des films conçus sur mesure
Il se remémore ensuite l’émission avec Marguerite Duras qui débute par un silence de vingt secondes – une éternité, selon les normes télévisuelles. Au-delà de la nostalgie, on perçoit son respect réel, ainsi que le regret probable que deux des films qu’il a réalisés sur le journaliste aient été diffusés uniquement après la mort de Pierre Dumayet, et que l’un d’eux n’ait jamais été montré.
En ce moment, alors que la publicité pour les livres à la télévision, lancée à titre expérimental le 6 avril, préoccupe les éditeurs, et alors que la littérature et ses nuances manquent cruellement au monde – malgré l’excellent travail d’Augustin Trapenard et de « La Grande Librairie », sur France 5 -, il serait judicieux de rectifier cette injustice dès aujourd’hui.
Tout au long de sa vie, Robert Bober a créé et perfectionné ses films, comme s’il les taillait et les ajustait à la manière d’un puzzle ou d’un vêtement. Il a également sculpté ses textes pour leur donner une forme unique. Même s’il prétend, dans le dernier épisode, ne pas être un écrivain mais « un réalisateur qui écrit des livres », ses ouvrages sont désormais si précieux qu’ils sont évalués dans les établissements scolaires, un fait dont il est très fier.
Robert Bober, le tourbillon et le casse-tête, sont les sujets de « A voix nue », une émission de Caroline Broué produite par Louise André (France, 2024, 5 x 30 minutes). Elle est diffusée sur France Culture, du lundi 6 mai au vendredi 10 mai, à 20 heures. Elle est également accessible en replay sur France Culture et sur toutes les plateformes d’écoute usuels.
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