« FRANCE 3 – SUR DEMANDE – DOCUMENTAIRE
Dien Bien Phu représente une des débâcles les plus déshonorantes de la riche histoire militaire française. Entre le 13 mars et le 7 mai 1954, ce fut le théâtre d’une bataille féroce qui s’étendait dans des vallées et sur des collines couvrant une distance de 16 kilomètres en longueur. Elle emporta au combat plus de trois mille soldats français et laissa derrière elle des milliers de blessés et de disparus. Dien Bien Phu a été revisitée de nombreuses fois par les cinématographes.
Ce documentaire, réalisé par Patrick Jeudy, a cependant le mérite de s’éloigner des approches conventionnelles en abordant Dien Bien Phu sous un nouvel angle : il met en lumière, en s’appuyant sur le rapport du capitaine Paul Belmont archivé au service historique de la défense, la mission déchirante qui lui a été confiée en juin 1955, soit un an après les affrontements, sur les terres du drame.
Paul Belmont, ancien combattant à Dien Bien Phu tombé en captivité en 1954 puis nommé à la tête du bureau des sépultures à Saïgon, a été désigné par l’état-major pour accomplir une tâche complexe : retourner sur le champ de bataille afin d’identifier un maximum de dépouilles pour aider les familles à faire leur deuil.
Enquêtes difficiles
L’un des noms à identifier, qui, il a été subtilement suggéré à Belmont, devrait être de priorité, est celui d’Alain Gambiez. Ce sous-lieutenant qui est tombé au combat à l’âge de 22 ans était le fils du général Fernand Gambiez, une figure marquante de l’armée française et un expert reconnu dans le domaine des commandos. »
Après une intense négociation avec les autorités du Nord-Vietnam, Belmont quitte Saïgon le 4 juin 1955, pour un voyage qui le mène près de Dien Bien Phu en hélicoptère le 8 juin, un lieu qu’il n’imaginait jamais revisiter. Son plan était de rester sur place une dizaine de jours, dépourvu d’émetteur radio et de caméra, mais muni d’un crayon, d’une carte du site et de photos aériennes. La durée prévue pour la mission était de deux semaines.
Sous une surveillance stricte et hébergé dans une hutte, il observe la nuit les formes familières des collines, dont les soldats français avaient donné des noms féminins : Dominique, Eliane, Gabrielle, Elise, Isabelle…
Un silence pesant règne sur le lieu, les tranchées se sont dissoutes sous la végétation luxuriante, le sang a séché, les cadavres ont retourné à la terre, la nature a repris le dessus et les conditions difficiles des recherches entre deux averses rendent le travail plus complexe que prévu.
« Un zèle morose »
Durant ces jours, Belmont assisté par des locaux, procède à l’exploration de nombreuses zones stratégiques, souvent sans résultats. Mais son effort n’est pas sans récompense. Au quatrième jour, près du lieu désigné « Eliane 3 », Paul Belmont identifie un premier militaire, grâce à son identifié. Il s’agit de Maurice Millet, parachutiste qui est mort à 22 ans.
Entre des charniers, des tombes aux écritures effacées et des terrains boueux, le capitaine des morts s’investit dans un travail qui est aussi physiquement épuisant qu’il est moralement difficile : « La mission continue avec une sorte de zèle morose », écrit-il après neuf jours de plusieurs recherches.
Après avoir terminé son travail, Paul Belmont a réussi à identifier huit militaires. Alain Gambiez, qui est le fils du général, figurait parmi eux. Chaque fois qu’un soldat était découvert, la brève existence du soldat et son cheminement de vie étaient illustrés à l’aide d’images d’archives filmées et photographiques, ce qui ajoutait une touche émouvante au documentaire. En revanche, Belmont a écrit : « De nombreux cimetières n’ont pas pu être explorés jusqu’à présent ». Aujourd’hui, la majorité des corps des soldats français qui ont perdu la vie pendant la bataille demeurent enterrés sous la ville moderne de Dien Bien Phu.
Le documentaire « Les Fantômes du Tonkin », réalisé par Patrick Jeudy (Fr., 2024, 60 min), a été diffusé sur France 3 le lundi 6 mai à 22h40. Il est également accessible en replay sur France.tv jusqu’au 4 décembre.
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