Après une pause de quatre ans, l’actrice Fanny Ardant fait un retour remarquable sur scène, plongeant à nouveau dans les profondeurs d’une passion ardente. Suite à son interprétation rayonnante des mots de Marguerite Duras dans « Hiroshima mon amour » en 2019, elle reprend le rôle d’une héroïne en deuil dans la pièce de Laurence Plazenet, un peu moins éclatante mais toujours fascinante, adaptée du roman « La Blessure et la soif » (publié par Gallimard en 2009) et mise en scène par Catherine Schaub au Studio Marigny.
Dans la salle située en hauteur, face à un plateau drapé de tissus dominé par une petite meurtrière, il n’y a pas une chaise vide. Le public est là pour adorer la star, et on peut le comprendre. Qui mieux que cette « Femme d’à côté », dont le rôle a été si superbement capturé par François Truffaut, pourrait exprimer la confusion des sens, l’enflamment du désir, la perte de soi dans l’autre, la capitulation de la raison ? Lorsque Fanny Ardant murmure cette fameuse réplique du « Dernier Métro », « Te voir est une joie et une souffrance », la salle est émue.
Vêtue d’une longue robe bleue satinée et les cheveux lâchés, l’actrice est, du début à la fin, l’Ardant passionnée que nous connaissons tous, même si son personnage assume le destin fatal de Mme de Clermont, une femme mariée et mère de quatre enfants qui se laisse entraîner dans une aventure adultère avec M.de La Tour, le neveu de son époux. Le mystère règne dans la pénombre.
L’histoire se situe au sein du XVIIe siècle, une époque marquée par la Fronde, le jansénisme et le monastère de Port-Royal, se déroulant sur une durée d’environ quinze ans. C’est le délai pendant lequel les amoureux interdits prendront pour révéler leur attirance, se consumer dans celle-ci, puis se séparer. C’est également le temps que l’homme prendra pour essayer de retrouver contrôle, en fuyant sa maîtresse, avant de revenir s’absoudre de sa faute dans le monastère où elle le rejoint, pour finalement le perdre définitivement. Leur union ne trouve son aboutissement que dans la mort. Il meurt, elle se donne la mort. Malgré l’influence omniprésente de Dieu, qui dicte les comportements et est régulièrement sollicité ou défié par l’héroïne, Il est incapable d’empêcher leurs retrouvailles dans l’au-delà.
Le spectacle, enveloppé dans une obscurité mystique, se termine sur cette promesse. Les dialogues proviennent d’un temps révolu, où la chair ne pouvait s’épanouir qu’au prix de tourments intérieurs profonds. C’est un monde à ce point démodé qu’il s’exprime, sur scène, principalement au subjonctif. Malgré son obsolescence dans les théâtres modernes qui favorisent des discours plus directs et moins éthérés, ce passé renaît majestueusement grâce à la voix envoûtante de Fanny Ardant. Que ce soit assise sur un lit, agenouillée devant un prie-Dieu, ou marchant dans l’espace avec ses bras tendus en croix, ses mains offertes ou ses poings fermés, elle prolonge les voyelles jusqu’à leur dernier souffle et transforme son texte en un chant hypnotique.
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