L’album le plus récent de Julian Lage s’appelle « Speak to Me », un nom qui s’adapte parfaitement pour un artiste qui préfère souvent rester en retrait et s’exprimer avec précision. Anciennement membre des groupes de Gary Burton et Charles Lloyd et actuellement partie intégrante du New Masada Quartet mené par John Zorn, Lage a su se frayer un chemin depuis 2009 en tant que leader. Sa carrière prolifique lui a permis de décrocher un contrat avec Blue Note en 2021. D’après l’accroche de la célèbre maison de disques, c’est « le meilleur du jazz depuis 1939 ».
« Speak to Me » dévoile les différents aspects de l’art de Lage, qu’il soit joué acoustiquement ou électriquement, en solo ou aux côtés de Jorge Roeder à la contrebasse et Dave King à la batterie, occasionnellement complétés par un piano, une clarinette ou un saxophone. L’album explore également une multitude de genres incluant le blues (‘Northern Shuffle’), le folk Californien (‘Omission’), la romance (‘Serenade’) et influences latines (‘Speak to Me’). La guitare peut se faire espagnole, à l’image d’Andrés Segovia (‘Myself Around You’), ou manouche comme celle de Django (‘Two and One’).
Malgré l’éventail impressionnant de styles, le jeu de Lage ne tombe jamais dans le pathos car il met toujours sa virtuosité au service de la mélodie et son lyrisme (notamment dans « Hymnal » et « Tiburon »). En ne proposant que des compositions originales, Lage se positionne comme un compositeur majeur dans un genre qu’on pourrait qualifier de « chansons sans paroles », en écho aux pièces pour piano de Felix Mendelssohn des années 1830-1840. Lage fait preuve d’une grande capacité à improviser sur des mélodies.
Julian Lage, un musicien, utilise les notes, les rythmes et les hauteurs pour exprimer ses pensées plutôt que des mots. Pour lui, l’aspect narratif d’une pièce musicale est essentiel, des conseils reçus de son père guitariste. Selon lui, l’émotion ressentie au début d’une chanson ne devrait pas être la même qu’à la fin. Les paroles répétées dans une chanson peuvent souvent limiter l’expression, mais une chanson peut également servir à exprimer des idées. Lage s’est entraîné en improvisant sur des discours de l’écrivain James Baldwin, captivé par le rythme de la phrase, son balancement et son flux. Pour nommer ses morceaux instrumentaux, il utilise un lexique, ayant une vaste gamme de titres. Chaque fois qu’il entend une phrase ou un mot qui l’inspire, il le note pour l’utiliser plus tard lorsque la musique a été enregistrée, non pas pour résumer le contenu, mais pour créer de l’ambiguïté qui permet à l’auditeur de s’immerger dans l’œuvre. Une partie conséquente de cet article est encore à lire et est réservée aux abonnés.
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