Adriano Pedrosa, le commissaire invité de la 60ème Biennale de Venise, brésilien de nationalité, qualifie l’exposition de provocatrice. Pourquoi cela ? Car elle mène à une inversion des rôles des différentes régions du monde.
Depuis sa création en 1895, la Biennale a surtout mis en avant les œuvres de l’Occident – Europe et Amérique du Nord – et plus récemment de l’Extrême-Orient – Japon, Corée, Chine. L’Afrique, l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient étaient rarement représentés. Néanmoins, au cours des deux dernières décennies, de nombreuses expositions et publications ont révélé que cette représentation était imparfaite et liée à des concepts impérialistes et colonialistes.
Parallèlement, une autre « catégorie » jusqu’ici marginalisée, celle des artistes féminines, a été réévaluée. La Biennale de 2022, sous l’égide de Cecilia Alemani, leur a été dédiée. L’actuelle Biennale prolonge ce travail, cette fois à l’endroit d’un autre groupe marginalisé. Certes, elle ne peut être considérée comme provocatrice que par ceux qui sont profondément ancrés dans leurs préjugés obsolètes. Néanmoins, elle arrive tardivement par rapport à l’évolution des pensées et des discussions. Cependant, elle n’en est pas moins essentielle : ce sursaut doit rétablir l’équilibre entre les cultures du monde. C’est en tout cas ce que l’on peut espérer.
Adriano Pedrosa, à l’instar de ses prédécesseurs, a bénéficié de deux espaces d’exposition pour présenter l’œuvre de 331 artistes – une première : le vaste pavillon international situé aux Giardini et la moitié de l’arsenal. Les autres emplacements de l’arsenal sont alloués aux délégations nationales, sélectionnées par les pays participants. En tant que commissaire, Pedrosa entendait réviser le passé et le présent. Engagé dans une tâche ardue et sujette à débat – l’exhibition d’une histoire de l’art du XXe siècle centrée sur la peinture moderne (la sculpture n’étant que peu abordée) et dont l’Occident est écarté, malgré le mouvement perpétuel des idées, styles et artistes.
Au-delà de leur caractère abstrait ou figuratif, les œuvres présentées ont été créées par des artistes issus de pays extérieurs à l’Europe, qu’ils aient ou non, par la suite, fait le choix d’y vivre, ainsi que par des européens contraints à l’exil pour des motifs économiques ou politiques. Cette démarche a permis d’exposer une multitude de visages et noms, jusqu’alors inconnus, à Venise.
Une onde de banalités et de contrefaçons
En passant l’entrée du pavillon international des Giardini, où un néon du groupe Claire Fontaine baptise la biennale « Foreigners Everywhere » (« étrangers partout »), on découvre une rotonde dédiée à l’abstraction.
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