Pendant longtemps, Bertille Bak a travaillé presque seule. Elle s’est soucieuse de la société et a montré de l’empathie pour ses compatriotes, une pratique rare parmi les autres artistes. L’épithète « Sociocul », représentant les préoccupations socioculturelles, était considérée comme insultante dans le monde de l’art. Pourtant, Bak a consacré des mois et des années à rencontrer et comprendre les communautés marginalisées, qu’il s’agisse des habitants d’une tour résidentielle à Bangkok destinée à être démolie, les cireurs de chaussure de Bolivie ou les sœurs de Notre-Dame-de-la-Médaille-Miraculeuse à Paris. Dans ses projets, elle a mis en lumière les difficultés rencontrées dans la vie, les inégalités sociales et les luttes non abouties.
A l’âge de 41 ans, Bak ne se sent plus si seule. La société artistique se préoccupe de plus en plus des enjeux sociaux et de la cohabitation. Mais Bak est maintenant plus en doute que jamais. Elle exprime ces doutes dans son exposition à Jeu de Paume, à Paris. Elle se pose la question: « Dans quelle mesure suis-je autorisée à utiliser la misère sociale des autres pour créer mon art, simplement parce que je viens d’un milieu prolétaire? » Elle s’interroge sur le rôle et les limites de l’art social, qui est devenu un domaine très en vogue, et se demande comment éviter de tomber dans l’autocélébration.
Son exposition parle pour elle, sans auto-promotion, condescendance, ou faux engagement. Elle a regroupé certains de ses derniers travaux centrés sur le thème du travail. «Cela concerne l’exploitation et les flux internationaux qui ne font qu’augmenter alors que nos frontières deviennent de plus en plus fortes» explique-t-elle. Sa préoccupation pour le sujet découle des histoires de son grand-père, qui commença à travailler dans les mines à l’âge de treize ans. Évoquer son histoire révélait toujours une émotion intense.
Son œuvre « Boussa From the Netherlands » nous guide à la rencontre de femmes marocaines, qui sont faiblement rémunérées pour décortiquer des crevettes dans des ateliers glacials, provenant des Pays-Bas. Après avoir été traitée par ces femmes, la chair des crevettes est instantanément renvoyée aux Pays-Bas. Comment mieux illustrer l’absurdité du commerce mondial? On voit dans son film que leurs mains saignent et leurs corps sont intoxiqués. Cependant, au lieu de simplement compatir avec ces femmes, l’artiste a imaginé avec elles de jouer avec les yeux des crevettes (le seul élément non utilisé dans le processus de production) pour créer d’insolites souvenirs pour les touristes. Chaque fois qu’elle rencontre des gens invisibles, Bertille Bak propose « des tours visuels et des révolutions en carton pour inspirer de nouvelles règles, de nouveaux jeux et rituels au sein du groupe ».
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