Avant d’être reconnus comme les pionniers d’une révolution esthétique majeure et de devenir les préférés des musées et des collectionneurs, les artistes connus sous le nom d' »impressionnistes » étaient souvent critiqués et menaient une vie dure et pauvre en attendant une reconnaissance officielle. C’est pourquoi des peintres tels qu’Auguste Renoir (1841-1919), Claude Monet (1840-1926), Camille Pissarro (1830-1903) et Paul Cézanne (1839-1906) n’ont pas refusé les commandes de peintures décoratives. C’est ce que met en lumière le documentaire captivant de Marie-Christine Courtès, « Quand les impressionnistes voulaient peindre les murs » (2021).
Renoir qui a acquis son savoir-faire en peignant des céramiques, des stores et des éventails, a décoré une vingtaine de cafés à Paris. Le jeune Cézanne a couvert les murs en plâtre du grand salon familial avec des fresques à Aix-en-Provence. Il a envisagé ce travail comme une sorte de « témoignage » pour prouver à son père banquier qu’il avait les compétences nécessaires pour devenir peintre.
Beaucoup d’artistes ont trouvé que la peinture décorative dans les appartements était plus bienvenue car leurs œuvres étaient souvent refusées pour les lieux officiels. Par exemple, à l’Hôtel de ville de Paris, reconstruit entre 1874 et 1882, la commission chargée de sélectionner les projets a préféré Pierre Lagarde (1853-1910) à Claude Monet par dix voix contre quatre.
En 1878, l’artiste quelque peu inconnue du groupe, Marie Bracquemond (1840-1916), a été chargée de produire une grande peinture sur céramique pour l’Exposition universelle de Paris. Plus tard, en 1893, pour l’exposition de Chicago, Mary Cassatt (1844-1926), une Américaine vivant à Paris, a créé la plus grande décoration murale jamais réalisée par un peintre impressionniste à cette époque.
Des dindes dessinées sur des murs
Les revenus substantiels générés par ces œuvres étaient complétés par le prestige et la visibilité acquis dans les salons parisiens et les lieux de vacances des personnages influents. Par exemple, Paul Durand-Ruel (1831-1922), un grand marchand d’art, invitait ses clients dans son appartement où Claude Monet avait décoré cinq portes; cet espace est devenu le premier « showroom ».
Ces lieux permettaient également aux artistes d’expérimenter avec des formats, des couleurs et des sujets variés. Ernest Hoschedé (1837-1891), le premier à acheter l’Impression, soleil levant (1872) de Monet – le tableau qui a inspiré le nom du mouvement impressionniste – a autorisé l’artiste à peindre des dindes sur les murs de son château.
Le documentaire mentionne également Les Nymphéas, une grande fresque murale de près de 100 mètres de long, que Monet a offerte à l’État en 1918. Cependant, cette œuvre très célèbre est presque hors sujet : elle n’a pas été conçue pour le Musée de l’Orangerie, mais c’est le musée qui a été réaménagé pour accueillir cette œuvre qui était à l’origine destinée à un salon.
Un grand nombre de ces œuvres d’art commerciales, temporaires ou privées, créées par ces artistes, ont été détruites, perdues ou vendues. L’une des principales forces de ce documentaire est qu’il parvient à recréer, à l’aide d’images de synthèse, les œuvres perdues, en utilisant des photos ou des fragments qui ont survécu. C’est un processus aussi captivant qu’émouvant.
Le documentaire « Quand les impressionnistes voulaient peindre les murs », réalisé par Marie-Christine Courtès (Fr., 2021, 52 min), est disponible à la demande sur France.tv dans la sélection « Aux arts et cætera » jusqu’au 11 mai.
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