La première rétrospective de l’artiste Constantin Brancusi (1876-1957), organisée par la conservatrice Margit Rowell en 1995 au Centre Pompidou à Paris, avait laissé un souvenir indélébile. Cependant, l’ouverture d’une nouvelle rétrospective le 27 mars a suscité quelques appréhensions. On se demandait ce qu’elle pourrait apporter de nouveau. À notre grande surprise, elle a non seulement présenté un éventail plus large d’œuvres, mais a également fait appel à l’intense exploitation des archives de l’artiste, qui étaient auparavant inaccessibles. Elle a aussi dévoilé une vue de la magie inhérente à son art. Grâce aux archives, on a pu entrevoir les secrets et les astuces derrière la magie de Brancusi, ce qui n’a en rien terni l’émerveillement suscité par ses réalisations.
L’exposition actuelle, sous la direction de la commissaire générale Ariane Coulondre et de son scénographe Pascal Rodriguez, a su respecter l’idée révolutionnaire de Margit Rowell et de l’architecte Lorenzo Piqueras, qui consistait à présenter la majorité des œuvres sur des podiums très bas et grosso modo circulaires. Ce type de présentation protège les sculptures des visiteurs qui pourraient être tentés de les toucher, sans pour autant obstruer le champ de vision et en permettant aux visiteurs de faire le tour des œuvres. Dans cette nouvelle conception, cependant, ils ont choisi un accrochage par thèmes plutôt que la disposition chronologique préférée dans le passé.
Il faut le reconnaître, cela ne gâche en aucun cas la compréhension de l’œuvre. En outre, cela offre des instants assez dramatiques lors du parcours, comme par exemple, dès le premier espace, une plongée dans une blancheur totale. Cette blancheur est celle des murs mais également celle des trois plâtres monumentaux du Coq (1935), un hommage de la conservatrice à l’observation de Man Ray (1890-1976) qui, après sa première visite dans l’atelier de Brancusi – partiellement recréé dans l’exposition – avait été frappé par « la blancheur et la clarté de l’espace ». Un autre point culminant est la présentation, le long des vitres du pignon nord du Centre Pompidou, d’un assemblage de différentes versions de L’Oiseau dans l’espace qui se détachent ainsi sur le ciel parisien.
L’enjeu était également de trouver un place pour environ 140 sculptures. Beaucoup d’entre elles proviennent de l’atelier reconstitué de Brancusi sur le parvis de Beaubourg, qui sera fermé pour rénovation à partir de 2025 – même si il y a quelques prêts exceptionnels dans l’exposition. Il y a également leurs bases (environ une centaine subsistent) conçues par l’artiste, près de 200 dessins ou photos, des films, des documents (les fameuses archives) et même des pochettes de disques, car Brancusi était un fervent mélomane. Cela inclut également une hélice d’avion en bois et les « rotatives » ou « rotoreliefs » de Marcel Duchamp, qui lors d’une visite au Salon de l’air au Grand Palais en 1912, avait interpellé Brancusi en lui disant : « Qui pourrait faire mieux que cette hélice? Tu penses pouvoir y arriver? ».
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