Notre rubrique Moto & Cinéma continue se route, après avoir vu ensemble Burt Munro et notamment Rusty James.
Car Francis Ford Coppola était tout récemment à nouveau sous les feux de la rampe avec son nouveau long métrage Tétro, dans lequel il choisit de diriger avec Maestria l’acteur et réalisateur Vincent Gallo.
Vincent Gallo est moins connu pour ses films que pour sa réputation de casse-pieds suprême, imbu de lui-même.
Tout cela est fort dommageable, puisque Gallo est d’abord un artiste hors pair, juste conscient de l’être (ça peut rendre le personnage pénible).
Il suffit de voir Buffallo ‘66 et le film qui nous occupe aujourd’hui, The Brown Bunny.
Certes, Gallo vend sa semence sur son site web (véridique); il fait aussi le mannequin pour H&M ; oui, Monsieur montre (pour de faux) son kiki traité avec soin par Chloë Sevigny.
Mais il reste un grand Monsieur, car en deux longs-métrages, il s’est imposé comme l’un des cinéastes indépendants les plus importants de ces quinze dernières années.
The Brown Bunny – 2004Certaines critiques l’ont bien-sûr blessé et peut-être dissuadé de continuer à réaliser (on espère toujours).
Il faut dire que, dans ses films, Gallo endosse les rôles de réalisateur, scénariste, acteur principal, compositeur, monteur, producteur, photographe.
Excessivement exigeant, il effectue toutes ces tâches avec un brio égal, quitte à se fâcher avec tout le monde.
Par exemple, depuis son premier film, Anjelica Huston et Christina Ricci refusent de lui adresser la parole.
Dans le second, il semble que le cinéaste ait renvoyé Winona Ryder et Kirsten Dunst, qui avaient toutes deux commencé à tourner quelques scènes.
Buffallo’ 66 et The Brown Bunny sont des films en forme d’autoportrait d’un grand gamin écrasé sous le poids de son propre génie, aussi capricieux et égocentrique qu’il en devient très intéressant.
Il faut aimer Vincent Gallo et le considérer à sa juste mesure.
Plus on y repense, plus ses films prennent de la valeur.
Ses deux films impressionnent et restent de vrais bijoux.
Ses qualités de mise en scène, les changements de points de vue, montage au cordeau : Gallo maîtrise la caméra et atteint un degré de perfection rare dans l’utilisation de celle-ci.
Toutefois, à l’image du dernier film de Jim Jarmush (The limits of control), The Brown Bunny n’est pas fait pour séduire le premier venu.
Peut-être vaut-il mieux avoir vu son film précédent pour être convaincu.
Par exemple, dans Buffalo 66, la formidable scène de dîner à quatre (filmée subjectivement, empruntant tour à tour les yeux de chaque protagoniste) sans voir le 4ème côté de la table, est une incroyable leçon de cinéma.
Mais tout cela ne serait que détail face à la maîtrise du style, l’originalité et la cohérence dont le film tout entier fait preuve.
Comme un excellent exercice de mise en scène ne fait pas tout à fait un film, Gallo n’a pas oublié de raconter une histoire.
Souvent cruel, extrêmement drôle, surprenant lorsqu’il bascule dans la tendresse, le scénario renferme des trésors d’originalité, d’inventivité et d’imagination.
Et comme le prodigieux metteur en scène cache également un formidable directeur d’acteurs, qui se fiche de se mettre tout le monde à dos pourvu qu’il obtienne la réaction souhaitée, Buffalo ‘66 subjugue par les prestations de ses comédiens.
Son indépendance fera même appel à un icône, comme pour ne pas l’oublier, en restant silencieux et immobile face à un monologue impressionnant de Mickey Rourke.
Il était utile de revenir sur ce 1er film pour comprendre Vincent Gallo et le thème de la solitude, afin d’accepter son second long-métrage, car The Brown Bunny est très déroutant.
Il peint un constat poignant sur la panne des êtres, en autopsiant le spleen dans ce qu’il a de plus terriblement universel.
S’il ne possède pas le charme puissant de BUFFALO ‘66, il reste le regard touchant d’un écorché vif sur l’amour, la vie et la mort.
Le propos est sans fausse pudeur, auquel on peut rester totalement insensible mais qui mérite beaucoup de respect.
Synopsys :Un circuit dans le New Hampshire.
Bud Clay est pilote de course.
Il traverse les Etats et va de courses en courses, seul avec sa moto.
Il essaie en vain d’oublier Daisy, l’amour de sa vie.
Il se rend à une autre compétition, en Californie.
C’est le début d’un voyage à travers l’Amérique durant lequel il va tenter chaque jour de trouver un nouvel amour.
Il rencontre une jeune femme dans une station-service et lui propose de l’accompagner.
Mais Bud s’enfuit, seul, sur la route car il ne peut se résoudre à remplacer la seule et unique fille qu’il ait jamais aimée et qu’il aimera à tout jamais… Il rend alors visite aux parents de son ex-petite amie, Daisy.
Mais elle a disparu.
The Brown Bunny, disponible en DVD (VO non sous-titrée): produit en 2003, sorti en 2004.
Réalisateur : Vincent Gallo.
Acteurs : Vincent Gallo, Chloë Sevigny… Le film est interdit aux moins de 16 ans lors de sa sortie en France.
Ce second film a suscité de nombreuses réactions de la part du public.
Hué, conspué, salué, acclamé, la qualité première du film de Vincent Gallo est qu’il ne laisse personne indifférent.
La mise en scène à fleur de peau et la BO enivrante confère à ce film une dimension envoûtante, mélangeant réalité et fiction dans un voyage psychologique et hypnotique intense, émouvant et très solitaire.
La photographie est magnifique avec des paysages sublimes et une caméra au plus près des visages qui capte la moindre émotion, la moindre parcelle de sentiment humain.
Rien n’échappe au spectateur, véritable acteur du film, passager de ce voyage, qui se transforme en témoin privilégié de ce personnage délaissé.
Ce long road-movie solitaire et sauvage à travers les états américains est à la fois difficile et superbes à voir.
À l’image de l’arrivée de Burt Munro sur le lac salé de Salt-Lake City dans le film homonyme, les images à Bonneville au guidon de sa superbe Honda 250RS sont sans aucun doute l’unes des plus belles scènes de moto filmées dans l’histoire du cinéma.
L’interprétation de Vincent Gallo est pour beaucoup dans la force de son film.
Il offre à nouveau une magnifique prestation, l’histoire d’un homme qui n’attend plus rien de la vie.
Ce mal être évidant lui donne un charme dévastateur.
On est tout le temps avec Vincent, jusque dans l’intimité nue, celle où il pleure avec la pluie derrière son volant.
Certains ne retiendront d’ailleurs que la scène sans pudeur de fellation, pour laquelle l’Agence William Morris résilia le contrat qu’elle avait avec l’actrice Chloë Sevigny.
Il s’agit d’une sorte de déflagration charnelle pour exorciser l’indifférence de l’éternelle absente qui fait irruption nulle part dans une chambre.
Juste une scène sans érotisme qui accentue le décalage entre un voyage immobile abstrait et une lutte précipitée au réalisme morbide.
Cette poursuite inlassable de la chimère est en aucun cas grand public, touchante ou exaspérante pour certain.
Sans mode d’emploi, le rythme lent peut en perturber plus d’un, au risque d’être incompris.
Car cette forme de désespoir, de violence intimes qui dépassent la raison dans une solitude amère, est un étirement volontaire du temps, un long parcours tel une partition libérée d’attaches explicatives.
Ce film n’est assurément pas un traquenard laborieux, un miroir vain et ronflant de son auteur.
Juste une affaire de sensibilité, une procession sentimentale et mortuaire sur des amants égarés, une consciencieuse mise à nu.
Gallo incarne intensément ce perdant magnifique perdu dans les grands espaces, inconsolable et inadapté dans le chaos des comportements et de la misère humaine.
Difficile au premier abord, vous vous laissez pourtant envahir par cet univers replié sur lui-même, dans ce sel blanc écrasant, ce bitume à perte de vue, dans lesquels s’engouffre la silhouette fantomatique de Bud Clay.
The Brown Bunny apparaît comme l’un des plus beaux poèmes filmés vus à ce jour.
Bercée de splendides chansons Folk, cette œuvre radicale est vraiment d’une grande sensibilité.
Qu’on le veuille ou non, qu’on le déteste ou qu’on l’aime, Vincent Gallo est indiscutablement un excellent réalisateur hors norme, seul contre tous.
Source images: www.
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